Troisième modèle de la marque, le ZX Spectrum fut lancé au Royaume-Uni en avril 1982, à peu près en même temps que le Proton d'Acorn. Si le second, rebaptisé ensuite BBC, fut choisi par le gouvernement anglais pour l'Éducation, ses ventes stagnèrent et il ne sut jamais s'exporter. Le Spectrum, en revanche, fut largement distribué en Europe, en Amérique latine (au Brésil) et même, dans les pays de l'est (où il connut d'ailleurs de nombreux clones) Pour ce faire, il bénéficia dans un premier temps du succès rencontré par le ZX81, de la qualité de sa documentation, traduite, d'un prix de vente attractif et, dans un second temps, du nombre de ses utilisateurs ainsi que d'une logithèque importante, à vocation principalement ludique, à laquelle contribuèrent un nombre important d'éditeurs, en majorité mais pas exclusivement anglais.
1. Positionnement
Le place qu'occupa d'emblée le Spectrum se situait entre celle des micro-ordinateurs dits « d'initiation » (comme ses prédécesseurs, les ZX80 et 81, ou plus tard les Lynx, Aquarius, Alice et TRS-80 MC10), qui ne permettaient pas vraiment de faire autre chose que de la programmation, et la place occupée par des micro-ordinateurs plus onéreux et souvent moins faciles d'accès. Il faut noter que ces derniers étaient au moment de sa sortie en majorité de conception plus ancienne et exportés — parfois au compte-goutte — des États-Unis d'Amérique (comme les Tandy TRS-80, Commodore VIC-20 ou l'Apple II, bien plus cher). Le Commodore 64 ne sortit qu'à l'extrême-fin de l'année 1982, et l'Atari 600XL seulement l'année suivante.
Sur le marché français naissant, le ZX Spectrum ne fut d'abord réellement concurrencé que par l'Oric I (autre machine anglaise qui eut d'ailleurs le plus grand mal à être vendue dans son propre pays) : l'Atmos d'Oric, ou le MO5 de Thomson (disposant eux-aussi de 48 Ko de RAM) furent vendus à un prix bien supérieur à leur sortie, qui eut lieu respectivement en février et en mars 1984.
Aux États-Unis, enfin, une version légèrement modifiée du Spectrum, dans une carrosserie argentée avec des touches en plastique dur, fut commercialisée par Timex en novembre 1983 sous l'appellation Timex Sinclair 2068 ou TS-2068, mais sans grand succès : ce fut le dernier micro-ordinateur vendu par le constructeur britannique dans ce pays.
2. Caractéristiques
Sa date de conception relativement ancienne et son positionnement intermédiaire expliquent cependant ses handicaps : le ZX Spectrum, qui pouvait disposer d’emblée de 48 K de RAM, qui avait une résolution graphique intéressante (256 x 192 caractères) et qui disposait d’un BASIC maison de bonne facture, apparaît limité par rapport aux autres modèles 8 bits à succès : ses capacités sonores sont mauvaises (avec 10 octaves sur une seule voix, il est d’ailleurs entré dans la légende comme contre-exemple du micro-ordinateur musicien). Il dispose de moins de mémoire que les Commodore 64 ou Amstrad CPC. Face à ces micro-ordinateurs légèrement plus chers, il ne dispose ni d’une gestion de sprites (faute de vidéo-processeur), ni de ports en standard pour brancher des manettes de jeu. De plus, dans une moindre mesure, à la suite d’un choix étrange de Sinclair plutôt qu’à cause d’une faiblesse technique, ses graphismes paraissent limités par le fait qu’il ne dispose que de 8 teintes, déclinées en deux tons chacune (normal ou vif) qui peuvent être affichées simultanément, au lieu de 16 couleurs différentes pour la plupart de ses concurrents. Enfin, son clavier de type calculatrice (aux touches de gomme sur une membrane en plastique) offre une frappe aléatoire, rendue difficile par la juxtaposition de plusieurs modes de saisie entre lesquels il faut basculer à l’aide d’un modificateur, voire d’une combinaison de modificateurs.
Ces handicaps peuvent être minimisés, en raison de la mise-à-disposition d’une profusion d’interfaces, fabriquées par Sinclair (interfaces ZX1 et ZX2) ou par d’autres, qui étaient généralement relativement bon marché : il était ainsi possible d’adjoindre au Spectrum une extension ROM de 8 Ko supplémentaires, un port pour cartouches, un ou deux ports pour manettes de jeu, un microprocesseur audio AY-3-8912, une interface pour lecteurs micro-drive, ainsi que les instructions BASIC supplémentaires pour commander ces matériels.
Plus grave fut l’absence d’un support de stockage plus rapide et de meilleure capacité que les bandes magnétiques (ou cassettes) largement diffusé pour cette machine : celle-ci priva le Spectrum de manière définitive de tout un pan de la logithèque qui se développait alors pour le duo Amstrad/Commodore (comme les jeux disponibles uniquement sur disquette, offrant des temps de chargement important, utilisant le multi-chargement ou encore, ne pouvant tenir sur une cassette). Sinclair choisit en effet de soutenir sa technologie propriétaire, baptisée microdrive, en lieu et place des disquettes 5,25 dont disposaient les autres micro-ordinateurs. Ce dernier était un lecteur de mini-cartouches à bande magnétique et à défilement rapide : sa fiabilité fut souvent mise-en-cause. De plus, il fallait disposer de l’interface optionnelle ZX1 pour le relier au micro-ordinateur, ce qui en limitait d’autant plus la diffusion. Pour cette raison, aucun éditeur tiers n’adapta jamais ses logiciels en version disquette pour un micro-ordinateur Sinclair.
Le successeur du ZX Spectrum, dénommé QL (pour Quantum Leap), et les déclinaisons ultérieures du Spectrum corrigèrent la plupart de ces défauts (comme les faibles capacités sonores ou la frappe du clavier), sans toutefois parvenir à renouveler le succès de ce petit micro-ordinateur : ZX Spectrum+ et 128 continuaient de miser sur une architecture vieillie, tandis que le choix des microdrives comme moyen de stockage, ainsi qu’un mauvais positionnement comme machine de bureautique du QL coûtèrent à la firme son existence.